Level-up, jeux de rôle et progression personnelle

Ce billet est inspiré d’une présentation que j’ai donnée le 9 novembre 2011 à l’occasion de la conférence Ignite Paris #13 qui avait lieu dans les locaux de l’école IESA multimédia.

Que vous soyez ambitieux ou que vous ayez simplement envie de mieux vivre votre vie, vous avez peut être envie d’être vous-même, mais en mieux. Cela peut signifier vous trouver, progresser, vous affirmer, atteindre vos buts, avoir l’oeil du Tigre… ou tout simplement être présent pour votre entourage et vivre paisiblement. Même lorsque cette envie est présente, il est pourtant bien difficile de penser sa propre vie et de faire l’effort nécessaire pour prendre ce recul sur soi. C’est vrai qu’il y a aussi des moments où on se sent complètement perdu et où on ne sait pas comment faire de sa vie une plus belle histoire. Gérer les événements et les subir, ne pas savoir comment changer l’état des choses, ne pas savoir à quoi on aspire… écrire sa propre histoire pose des questions très difficiles.

Il est pourtant facile d’inventer et de raconter des histoires. Il est facile de songer à un personnage et de l’imaginer grandir, progresser et se révéler. Je le pratique avec bonheur depuis des années au travers des jeux de rôle. Il s’agit de petits groupes qui se réunissent entre potes autour d’une table, boivent du coca se racontent ensemble une histoire. Chacun des joueurs assume le rôle d’un personnage et invente ce qu’il fait, ce qu’il dit, sa vie, scène après scène. C’est en partant de ce constat que j’ai cherché dans les jeux de rôles des pratiques et des approches pour penser ma propre vie.

Créer sa propre feuille de perso

Chaque joueur dirigeant un personnage garde devant lui une feuille. C’est une feuille de personnage, feuille de perso comme on dit, une liste de caractéristiques et de compétences qui sont toutes évaluées et chiffrées et qui permettent de savoir précisément les forces et faiblesses d’un personnage. Cela ne vous rappelle rien ? Je me suis rendu compte que cette feuille de perso qui m’était familière était analogue à un bilan de compétences, une démarche pourtant assez lourde que l’on fait sans même s’en rendre compte lorsque l’on joue un jeu de rôle.

J’ai ainsi créé ma propre feuille de perso. Chaque jeu vient avec son système de jeu qui liste et décrit les caractéristiques et les compétences des personnages. Les systèmes diffèrent car les ambiances et les  univers des jeux diffèrent. Sans doute aucun d’entre eux ne pourra correspondre à votre vie, qu’importe, vous pouvez facilement jeter sur le papier la liste des caractéristiques et compétences que vous utilisez, du coté professionnel comme personnel. Tout ce qui compte pour vous et qui découle de vos actions devrait y être. Vous pouvez ensuite associer un score à chacune de ces compétences et ainsi poser objectivement où vous en êtes. Personnellement j’utilise une note de 1 à 5 similaire au système White Wolf, 1 signifiant débutant, 5 expert reconnu, et 3 permettant un usage courant ou professionnel. Simple et efficace. Si vous n’aimez pas les chiffres, faites en des symboles marquant une certaine progression, comme par exemple des étoiles : * à *****. Cette évaluation ne sera pas parfaite, mais elle aura le mérite d’exister et de faciliter votre projection vers le futur.

Gagner de l’expérience en s’aventurant

Dans un jeu de rôle, on joue souvent plusieurs fois un même personnage dans une campagne, une série d’histoires qui vont par exemple le mener tel un Luke Skywalker d’un rôle de simple fermier à un rôle de chevalier Jedi faisant chuter l’Empire du Mal. A la fin de chaque partie chaque personnage reçoit des points d’expérience pour lui permettre d’évoluer, de faire du level-up, c’est-à-dire améliorer ses caractéristiques ou ses compétences.

On peut en général gagner de l’expérience en travaillant dur, en faisant du sport, en s’exerçant, globalement en utilisant ses compétences. Ca on pouvait s’y attendre mais ce n’est pas tout. Dans la plupart des jeux de rôle, on gagne de l’expérience en se battant, au propre comme au figuré, en luttant pour ses idées, en s’affirmant, en réalisant des choses difficiles.

On gagne aussi de l’expérience en se confrontant à plus grand que soi, à plus étranger, en voyageant par exemple. Dans le jeu Mage l’Ascension on parle même d’Épiphanie pour la compréhension soudaine de l’essence ou de la signification de quelque chose. Et globalement on gagne de l’expérience en prenant des risques, pas forcement des risques inconsidérés mais en sortant certainement de sa zone de confort, en recherchant l’aventure. Cette expérience permet d’atteindre un nouveau niveau, un nouveau soi, capable de plus de choses. Je me sers de ce constat pour créer dans ma vie des challenges, des prises de risque de nature à m’apporter de l’expérience. Le fait de partager cette réflexion toute personnelle sous la forme d’une présentation durant une conférence Ignite puis sous la forme d’un billet de Blog en font partie. Ces prises de risques mesurées mais régulières boostent ma progression.

Changer de carrières

Beaucoup de jeux imposent aux personnages d’une certaine classe ou d’une certaine profession une amélioration programmée ou des restrictions sur les compétences sur lesquelles peuvent porter les améliorations. Cette règle rend compte du fait que votre carrière conditionne fortement les domaines sur lesquels vous pouvez vous améliorer, en facilitant certaines acquisitions d’expérience et en rendant plus improbables d’autres. On n’apprend pas à nager par correspondance, il faut se commettre dans une activité pour pouvoir la maitriser. Je retiens dans les jeux de rôle à carrière une idée intéressante : on peut utiliser sa profession pour améliorer certaines compétences en vue d’atteindre des minima requis pour débuter dans une prochaine profession, et ainsi changer de carrière pour évoluer dans son propre sens. Tel un Spiderman évoluant entre les immeubles de cable en cable, vous pouvez utiliser vos jobs pour progresser. Cela nécessite d’y songer un peu afin de trouver la prochaine position professionnelle qui vous conviendra.

Minimaxer ses compétences

Changer sa vie, mais que faut-il changer au juste ? Faut-il améliorer un point fort ? Faut-il gommer une faiblesse ? On ne peut pas tout faire, il faut choisir ou placer son expérience en fonction de l’idée que l’on se fait de la direction que doit prendre le personnage. Cet exercice est très commun pour les joueurs de jeux de rôle. Le terme minimaxing est même utilisé pour décrire le fait d’augmenter très soigneusement ses compétences afin de maximiser la puissance du personnage en minimisant le coût en expérience. Dans mon quotidien j’ai constaté que je passais beaucoup de temps à exercer des compétences qui me sont acquises à un niveau bien suffisant pour pouvoir faire ce que je voulais, pour lesquels un apprentissage supplémentaire était superflu. En consacrant moins de temps et d’attention aux activités liées à ces compétences, je me dégage du temps pour en acquérir de nouvelles, je mets la priorité sur les compétences clés qui me manquent ou qu’il me faut améliorer. En choisissant délibérément les compétences que l’on veut améliorer et en laissant stagner celles ou on est déjà suffisamment avancé on progresse plus vite. Ce choix délibéré est une recommandation que je ne lis nulle part ailleurs.

Gamifier sa vie ?

Les discussions que j’ai pu avoir autour de ce thème avec différentes personnes, autour de la conférence Ignite, parmi mes amis rôlistes ou dans mon milieu professionnel agiliste m’ont permis de voir ma démarche sous un nouvel angle. Mon expérience des jeux de rôle m’apporte des éléments de réflexion pour savoir ou j’en suis, pour gagner de l’expérience et pour bien orienter ma progression. Le fait d’introduire des mécanismes de jeux dans ma propre vie est au sens propre de la ludification ou de la gamification. Ainsi je ne cours pas pour obtenir un badge Foursquare (quoi que…) mais pour faire du level-up la ou cela m’importe.

Au-delà de ce contexte de jeu, penser sa vie comme celle d’un personnage invite à prendre du recul sur soi-même, à se concevoir comme le héros de sa propre existence. Si vous souhaitez garder en tête cette idée, vous pouvez porter fièrement ce t-shirt que j’adore : « un Geek ne vieillit pas, il level up« .

crédit photo : Rocky, Lost in translation, Lord of the Rings, tshirt Zazzlesaut en tendem, Spiderman, chess champion,  Scott Pilgrim LEVEL UP by ~IgoR0899, tshirt Saptongeek.

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